Refondation de l'école : les dindons prennent la parole

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Roken

#272

2012-11-13 15:09

Bonjour,
Je vais apporter ma petite contribution à ce débat.
J'ai 40 ans, cadre dans le privé, 2 enfants en primaire.

1) Les instits mal aimés
Je m'interroge. Dans toutes mes discussions avec mes amis, ou au boulot avec mes collègues, je n'ai jamais rien entendu qui ressemble de près ou de loin à "les instits sont des fainéants"
(Et pourtant je vous garantis que c'est du CSP+ qui vote ultra majoritairement à droite. :))
Ce boulot est difficile, voir très difficile, et vous avez une grosse pression en classe. Dans le privé, c'est le boss qui sert d'exutoire.
Votre hiérarchie étant inexistante, et ne pouvant pas vous défouler sur les enfants, ne vous restent que les parents ou le ministre pour incarner les problèmes de l'école.
Alors forcément quand le ministre est de gauche... Pourtant les parents ont globalement les même intérêts que vous.
C'est frappant à la lecture de ce blog. On trouve évidemment 2/3 excités de chaque coté, mais même les PE modérés semblent persuadés que les parents ne les comprennent pas.
Et c'est d'autant plus étrange que le traitement de l'incompréhension est pourtant le coeur de votre métier. :)
Quand un enfant ne comprend pas, vous vous dites "quels mots vais-je employer pour me faire comprendre ?", pas "il me méprise !". Faites pareil avec les parents, ce ne sont jamais que de grands enfants.

2) les conditions de travail
Au premier rang desquelles, le salaire.
On a toujours l'impression avec les enseignants que vous n'osez pas dire que vous voulez du fric.
Du coup, vous essayez de nous enrober vos revendications derrière des termes vagues comme "la défense de l'école" ou "le bien des enfants".
Mais il n'y a pas de honte à avoir. Le PE est peu payé au regard de son temps de travail. Le prof de collège est peu payé au regard du niveau d'étude exigé.
Là où ça devient problématique, c'est quand on exige du bac+5 pour des PE, ce qui est complètement débile, surtout que le concours ne justifie pas ce niveau de connaissance.
Dès lors, combien de jeunes bac+5 vont accepter d'être payés 1500 € par mois avec pour seul horizon une progression d'escargot ?
Ensuite, les postes.
Je suis horrifié par l'organisation de l'EN. La maitresse de mon fils prévenue le jour de la rentrée à 8h15 de l'endroit où elle devait faire cours à 9h.
Ben oui, la titulaire était en arrêt... maternité ! Signalé et prévisible depuis 5 mois, pas une fièvre de la veille au soir ! Bravo les gars !!!
Les débutants qui se retrouvent sur 3 classes dans 3 écoles différentes à chaque bout du département, c'est n'importe quoi.
Qu'on commence déjà par rationnaliser tout ça, ça ne coutera pas un rond.
Interdire les 1/4 et les 3/4 de temps, ne plus autoriser que les temps complets et les mi-temps => Plus de prof sur 3 voir 4(!) classes.
Ca c'est l'intérêt des élèves. Comment croire que le prof, qui doit préparer des séquences pour 3 niveaux différents pour des classes qu'il partage avec d'autres profs qu'il ne croise jamais, pourra faire du bon boulot ?
Surtout que ces postes de m..., bien sûr c'est pour les débutants !

3) Les rythmes scolaires
Ce qui m'impressionne toujours dans ce débat, c'est que l'intérêt de l'enfant semble se limiter aux connaissances qu'il contient, comme un dictionnaire en quelque sorte...
Moi j'ose dire qu'apprendre une poignée de choses en plus à l'école le samedi matin n'est pas dans son intérêt si cela revient de fait à le priver de ses grands parents qui habitent à 500 km.
Un enfant a besoin d'avoir une vie sociale (amis, famille) en dehors de l'école, il a besoin de jouer, il a besoin de regarder un peu la télé (si, si !), il a besoin de plein d'autres choses.
Si c'est pour en faire un polytechnicien autiste, non merci.
Perso je récupère mes enfants à l'école, on arrive à la maison à 18h45, je commence par recorriger les devoirs même si cela a déjà été (mal) fait à l'étude.
Et clairement, 15min ça va, mais je refuse que cela dure plus. Car ensuite il y a les bains, le repas, le jeu (ET OUI JE VEUX QUE MES ENFANTS SE DETENDENT), la chambre à ranger, et le dodo à 21h.
2h, rien de trop pour faire tout ça.
Le mercredi matin travaillé ça ne changera rien pour les miens qui passeront toujours autant de temps à l'école, vu que mon boss ne me laissera pas partir 30 min plus tôt pour faire plaisir à M. Peillon.
On touche là aussi le problème des associations de parents d'élèves, tenues à 95% par des mères au foyer qui ne comprennent pas ce point de vue...

4) La productivité.
Ouh le vilain gros mot ! Et pourtant... La nation dépense bien plus d'argent qu'elle n'en a (environ 20% chaque année), la tendance ne peut être qu'à la baisse.
La seule solution si on veut augmenter le niveau des élèves, c'est donc de réussir à faire mieux avec pas plus, voir moins.
Je m'intéresse beaucoup à l'EN et ce qui me choque le plus, c'est le manque de cohésion entre les PE.
Beaucoup de PES dénoncent le manque de soutien (voir carrément la mise à l'écart) de la part des titulaires.
Chaque prof décide librement de comment il enseigne, il prépare ses courts seul dans son coin.
Certes c'est plus intéressant pour lui, mais est-ce le plus efficace ? Quand je dirigeais un petit service, chacun de mes collaborateur avait son périmètre, mais tout le monde appliquait les même procedures.
Si un d'entre eux avait une bonne idée, elle devenait alors un standard impératif pour les autres. Pourquoi constamment réinventer la roue ?

Voilà quelques pistes de réflexion...
Pour ma part, j'attends mes résultats aux écrits du CRPE, prévus pour après demain. :)

Réponses

encore moi

#273 Re:

2012-11-13 15:22:59

#272: Roken -

j'aime beaucoup  tout ce que vous dites , c'est à peu de choses ce que j'aurais ecrit !

dindondindon

#275 Re:

2012-11-13 15:36:18

#272: Roken -

Je réponds de mon point de vue.

 

1) Peut être qu'il y a une généralisation qui est faite il faut l'avouer. On le fait souvent sans vraiment s'en rendre compte. Est-ce parce que j'ai travaillé parfois dans des quartiers carrément huppés, ou alors dans des quartiers dit "zone violence" avec de la misère sociale mais il faut avouer que j'ai une minorité de parents qui reconnaissent et soutiennent le travail des enseignants. J'imagine que forcément on voit toujours plus ceux qui s'expriment. Et ceux qui s'expriment sont plus souvent ceux qui dénigrent notre travail. Disons que pour une classe de 25 élèves il y en a 5 parents qui vont critiquer ouvertement notre travail, 2 qui vont remercier et le reste qui ne dira rien du tout. Et on a tendance à généraliser. Mais je pense que le côté médiatisation des enseignants n'est pas pour nous servir quand certains politiques peuvent annoncer que s'ils avaient voulu garder un boulot de planqué et bien payé ils seraient restés dans l'enseignement...

 

2) Je n'ai pas forcément envie d'être mieux payée. Bien sur je ne serai pas contre une augmentation. Mais ce qui m'intéresse vraiment c'est d'avoir des conditions de travail convenables, et que l'on ne nous rajoute pas des frais supplémentaires. Une chose est vraie, l'organisation de l'EN est catastrophique en ce qui concerne les remplacements et les affectations.

 

3) On est bien d'accord l'enfant c'est un tout et pas seulement un potentiel. Et c'est pour cette raison qu'il est indispensable si l'on parle du rythme de l'enfant de VRAIMENT RACCOURCIR la journée. Pour laisser plus de temps aux activités autres. Mais pour cela c'est toute une société qu'il faudrait changer.

 

4) Je pense que ce serait une erreur d'uniformiser les méthodes... ceci étant certains pays le font... on gagnerait beaucoup en temps de préparation et recherche. Un exemple de système qui existe : le gouvernement fournit aux enseignants TOUS les cours. Tout est prêt. L'enseignant n'a plus qu'à faire 'bêtement' ce qu'on lui dit sur le papier (le temps de chaque phase sont même précisés). Les enseignants ont alors seulement à lire en amont les documents déjà prêts et à corriger après.

Certes ça uniformise les apprentissages. Ca facilite la vie des enseignants. Mais alors si c'est pour en arriver là... je trouve que presque n'importe qui pourrait alors enseigner puisqu'il n'y a qu'à suivre la procédure. Et puis je crois que le boulot perdrait beaucoup de son intérêt. J'aime chercher de nouveaux thèmes de projets, créer des rallyes divers et variés, tester une méthode ou une autre. On évolue aussi dans notre façon d'enseigner. Quand j'ai débuté j'aimais beaucoup les fichiers tout prêt. Aujourd'hui je n'arrive plus à les utiliser. Je m'ennuie si deux années de suite je lis le même livre avec mes élèves...

Et puis uniformiser ça serait finalement laisser je pense encore plus d'élèves sur le bord du chemin. A moins que le gouvernement ne fournisse aussi les versions différenciées.

Celle qui ne veut être sacrifiée pour Thanksgiving !

#277 Re:

2012-11-13 16:12:53

#272: Roken -

"Mais il n'y a pas de honte à avoir. Le PE est peu payé au regard de son temps de travail. Le prof de collège est peu payé au regard du niveau d'étude exigé."   <<<    Le même niveau est exigé, élémentaire ou collège :). (Ou alors ça a changé depuis le début des années 2000 ?)

Celle qui ne veut être sacrifiée pour Thanksgiving !

#278 Re:

2012-11-13 16:19:17

#272: Roken -

"On a toujours l'impression avec les enseignants que vous n'osez pas dire que vous voulez du fric.
Du coup, vous essayez de nous enrober vos revendications derrière des termes vagues comme "la défense de l'école" ou "le bien des enfants"."

<<<  Oh, et je ne veux pas plus d'argent : si on me donne plus d'argent, on me demandera de travailler encore plus. Je ne veux pas travailler plus, gagner plus... je veux travailler mieux (des programmes cohérents par rapport à l'âge des enfants et au temps accordé, des effectifs limités, de la confiance...)...

(Ce qui est bien, par contre, c'est qu'à travailler plus sans gagner plus, on gagne plus, puisqu'on a moins le temps de dépenser :).)

Rupture

#279 Re:

2012-11-13 17:23:30

#272: Roken -

On touche là aussi le problème des associations de parents d'élèves, tenues à 95% par des mères au foyer qui ne comprennent pas ce point de vue...

et à une profession enseignante aux % comparables...

Vous rendez justement compte d'une école malade de son décalage avec la société.

Il me semble illusoire de demander à la société de s'adapter à l'école, sans que l'école fasse des efforts pour retrouver son rôle dans la société.

Quel salarié termine son job à 16h30?

Il nous faut intègrer le fait que l'enfant, aujourd'hui, passe pratiquement autant de temps en "éducatif" qu'en temps "scolaire" dans un même lieu: l'école. Il faut bien, aujourd'hui, harmoniser ces temps là pour le mieux de l'enfant. Considérer globalement le temps "collectif" de l'enfant/élève est cohérent, ce n'est pas chercher à culpabiliser les parents qui bossent, ni les enseignants qui font bien plus que leur taf, mais dans un système shyzofrénique... C'est lui qu'il faut changer.

Je l'ai lu dans les commentaires, il est évident qu'il est plus efficace de répartir ses séquences d'apprentissage de la lecture sur 5 matinées plutôt que sur 4. À partir de là, il est difficile de refuser une modification des rythmes scolaires.

Que l'on cherche une solution qui ait plus de sens que celle proposée à minima par le ministère est une chose, que l'on rejette le passage à 5 matinées parce qu'il faudrait d'abord nous donner plus de moyens en est une autre, qui a conduit l'école là où elle est. Cela fait plus de 20 ans, avec des budgets qui ont été conséquents, que toutes les revendications se sont basées uniquement sur "plus de..." sans remise en cause du système, or l'échec scolaire (la souffrance des élèves et des profs itou) à des causes structurelles:

- apprentissages systématiques trop précoces.

- journées trop longues, semaine trop courte

- gestion du personnel abracadabrantesque (temps partiels, postes fractionnés, moins expérimentés en ZEP, plus de formation... )

- passages maternelle/élémentaire/collège vécus comme des ruptures, pas dans la continuité.

... Au regard du budget d'une part et de l'état de l'école de l'autre il nous faudra bien

réussir à faire mieux avec pas plus, voir moins.

Commencer à tirer la pelote par l'étalement des rythmes hebdomadaires me semble un bon compromis.

zouzoun

#296 Re:

2012-11-13 23:27:46

#272: Roken -

Je suis PE et je ne crois pas avoir dit que les parents nous méprisaient. Bien au contraire, je rencontre beaucoup plus de parents compréhensifs, disponibles et prêts à nous aider que de parents  critiques à l'égard de notre travail.

Bon je n'ai pas lu tous les échanges du blog mais je ne pense vraiment pas que l'on se sente majoritairement incompris des parents. Je voudrais revenir sur les revendications des enseignants. Non je n'ai pas honte de réclamer une hausse de salaire et je ne suis pas la seule, cela aussi transparaît dans le blog d'ailleurs. En outre, réclamer une école plus juste, égalitaire, n'est pas un prétexte pour réclamer de meilleurs salaires. C'est étrange comme raisonnement !

 

Concernant les postes de m... comme vous dites, malheureusement, avec les nouveaux critères d'affectation (plus de points dans certaines conditions) les PE ont vraiment du mal à obtenir un poste fixe ou à bouger. Cela n'affecte pas uniquement les débutants. On peut avoir 10 ans d'ancienneté et ne jamais obtenir une classe fixe et rester sur des décharges de direction dans plusieurs écoles d'un secteur assez large.

Pour revenir au salaire, notre profession a développé un complexe de culpabilité car on nous renvoie sans cesse que nous avons des VACANCES pour compenser. Peut-être qu'en interrogeant votre entourage vous n'en avez pas pris conscience mais nous oui et à maintes occasions Voilà la raison pour laquelle certains enseignants ne parlent pas d'augmentation je pense.