ANR : La recherche publique française asphyxiée


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2016-01-07 17:35

Oui, nous sommes évalués et évaluons en permanence (rapports individuels et collectifs, proposals, articles…) parce qu’on ne nous fait plus confiance (« les chercheurs qui trouvent on en cherche »). Même entre nous c’est la défiance puisqu’on invoque le copinage à tour de bras en cas de succès à un concours ou à un appel d’offre. La société pense de plus en plus fort que nous ne servons à rien voire sommes les serviteurs des grandes méchantes compagnies. Pendant ce temps, les pseudosciences et les experts de tout et de n’importe quoi prospèrent et façonnent les opinions alors qu’on ne voit quasiment plus de vrais scientifiques s’exprimer dans les médias. Comment attendre alors des politiques qu’ils percutent ? Leur obsession de l’innovation n’est-elle pas un signe de cette fracture ? C’est bien de revendiquer mais si nous ne parvenons pas à faire aimer la science à nos concitoyens à nouveau, ce sera foutu dans peu de générations.

De notre côté, prenons le temps de communiquer avec nos concitoyens. Nous devons entre autres faire comprendre aux entrepreneurs que les docteurs que nous formons sont une richesse. Leur seule issue ne sera donc plus le monde académique ou l'exil et l’appel d’air qui en résultera aura des effets bénéfiques pour tout le monde: plus de thèses et plus de science d'un côté et plus d'entreprises créatives de l'autre.

De leur côté, réclamons une évaluation une fois tous les 5 ans, de type HCERES mais en mieux c’est-à-dire en moins superficiel, en moins bidon, et dont le but serait de valider ou d’invalider les projets d’équipe. Une équipe « valide » aurait alors un financement décent garanti pour son quinquennat suivant. L’ANR devrait alors être cantonnée au cofinancement des équipes, ou plutôt au financement de collaborations avec d’autres équipes. Le fait qu’il faille absolument collaborer pour avoir un financement est –comment dire- inepte. Réclamer plus de postes académiques est bien mais il faudrait déjà que ceux ayant un poste puissent travailler normalement, c’est-à-dire consacrer 90% de leur temps à faire de la science et pas à se faire évaluer ou à évaluer. Rajouter encore plus de monde là-dedans ne ferait qu’empirer les choses et les rendre encore plus inextricables. Après, si on arrive à rendre notre dispositif de recherche plus efficace on pourra toujours réclamer plus de % du PIB et réclamer plus de postes, parce que la confiance serait rétablie. D’ailleurs, si on avait ne serait-ce que 50% de notre temps à consacrer à la science, on exploiterait peut-être moins la précarité, vu qu’on ferait les manipes nous-mêmes.