ANR : La recherche publique française asphyxiée

Bonne année 2016

/ #46 Quelques commentaires sur le sujet

2016-01-06 17:31

Je suis surpris qu'environ 3000 personnes signent une pétition sans savoir qui est à l'origine du texte. Ceci étant, il y a de forte chance que le premier signataire soit à l'origine de cette lettre dont les objectifs sont mal définis à mon sens alors que le reste est bien argumenté. Au demeurant, je salue cette initiative. Elle est salutaire.

Je peux comprendre la frustration de ne pas avoir de financement pour certains titulaires travaillant dans des EPST si je me base sur de nombreux signataires de cette pétition. Leur salaire est tout de même assuré quoi qu'il advienne, ce qui est loin d'être le cas de nombreux contractuels et postdocs vieillissants (et ils sont plusieurs dans les signataires). Ces derniers ont souvent contribué au passage d'échelon des titulaires sans avoir eu aucun retour. Là non plus, il n'y a pas de justice et cela n'empêche personne de dormir. Les vertueux me diront certainement le contraire.

J'aimerais souligner que le succès pour les projets ANR est bien là pour certaines équipes. Celles-ci ont le vent en poupe et ont de bons chercheurs. Il y a des gens qui ont du talent, d'autres qui en ont moins (je fais partie de la deuxième catégorie). C'est la vie, c'est comme cela. Lors de sa création, l'ANR avait surtout comme objectif politique (et tacite) de resserer les équipes de recherche en éliminant les plus faibles. La création de l'ANR est contemporaine du collectif "sauvons la recherche" ou les membres fondateurs faisaient partie de nos plus éminents chercheurs. A la première vague d'attribution des financements, beaucoup de ces chercheurs de première classe ont eu des dotations. L'ANR voulait alors privilégier l'excellence. Le saupoudrage que pronent certains avait atteint ces limites.

Quand est-il maintenant de la qualité scientifique des projets financés par l'ANR? J'ai l'impression que les qualités demandées pour que le projet soit bon ne sont pas celles requises pour voir son travail publié dans un journal renommé. En d'autres termes, l'obtention d'un projet financé ne rime pas nécessairement avec publication(s). Je pense que plusieurs d'entre nous ont fait le même constat. Je faisais remarquer que plusieurs bonnes équipes avaient régulièrement des financements par l'ANR. A mon avis, la réalité est le suivante, l'ANR ne finance pas les bons projets mais elles financent les "bons élèves" (comprennez par "bons élèves", chercheurs mais aussi grandes institutions). En cette période de disette prolongée, on peut comprendre l'organisme financeur qui veut savoir où il place son argent. C'est là où l'ANR semble également avoir atteint ces limites comme pour le saupoudrage d'antan, elle ne prend plus de risque.

Je ne pense pas qu'il faille supprimer cette agence. Il faut en revanche que les politiques fassent le bilan de l'efficacité de la structure. Je regrette que les initiateurs de cette pétition n'est pas fait clairement cette demande à nos représentants nationaux. Il faudrait organiser une rencontre de plusieurs acteurs de la recherche en France avec M. le Secrétaire d'Etat en charge de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Thierry MANDON. On juge un arbre à ces fruits et l'ANR est un arbre qui donne peu de fruits ces temps-ci. Il y a peut-être des solutions et déjà quelques interogations:

Faut il par exemple que le projet ANR type fasse appel à un réseau de 5 à 10 laboratoires, faisant ressembler le consortium plus à une machine à gaz qu'à une structure efficace?

La transversalité des thématiques à tout prix, est ce vraiment pertinent?

Peut on penser à financer des petites structures (une équipe) avec des fonds ne dépassant pas 50000 euros sur trois ans pour une thématique? Question corollaire, quelle est la faisabilité d'un projet où on promet monts et merveilles dans un projet impliquant 10 laboratoires pour la modique somme de 500.000 euros à se partager sur trois ans?

Ne serait-il pas judicieux de recomposer les comités de sélections en rajeunissant les membres en prenant comme modèle les commissions du NIH pour les grants R01 (un grant R01, 25 pages max, 200 à 400.000 dollars par labo pour trois ans)? Il y a un effet mécanique au rajeunissement des comissions, les décisions gagnent en neutralité. Et puis je trouve assez sain que les juniors jugent les séniors pour une fois.

Est ce que créer un Master de l'administration de la recherche était vraiment la priorité?

Ne faudrait-il pas fusionner ANR et HCERES pour faire des économies (même si cela dérange certains) ?

Si l'ANR veut privilégier les relations avec l'industrie qu'en est-il alors de la compétitivité de nos laboratoires et des industries françaises quand la vaste majorité des projets est évaluée par nos collègues étrangers qui ne sont pas toujours très honnêtes? Dans ce cas là, une clause de confidentialité a peu de sens.

 

Il me reste à vous souhaiter une bonne année et beaucoup de succès dans vos travaux