Il faut sauver la Maison de Poésie !

Dominique-Charles DAGUET
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/ #70 Soutien à la Maison de Poésie

2011-03-04 21:34

(Ce texte annule et remplace mon précédent sous la signature de Dominique Daguet)


Des amis s’emploient à répandre la nouvelle du malheur qui menace l’existence même de la Maison de Poésie, sise au 11 bis de la rue Ballu : Isabelle Normand, Guy Allix, Jean-Pierre Rousseau… Comment refuser d’apposer ma signature à la pétition qu’ils font circuler ?

Je connais cette Maison de longue date car souvent invité aux manifestations qui s’y trouve organisées. Certes, je ne me suis rendu qu’à quelques-unes : j’habite loin de Paris et le temps dont je dispose m’est compté, aussi bien au jour le jour qu’à terme…

J'éprouve une grande difficulté à comprendre ce qui a poussé la SACD à entreprendre contre la Fondation Maison de Poésie une opération d'expulsion qui m’a toujours scandalisé depuis que j’en connais l’existence, soit depuis plus d’un an et qui vient d’aboutir à une décision de la Justice. Celle-ci répond probablement à l’exactitude des dispositions règlementaires sous lesquelles notre société est si souvent écrasée au bénéfice des plus puissants mais assurément pas à "l’esprit de justice" qui devrait tout illuminer d’une sagesse amoureuse.

Ce haut-lieu de la poésie honore les locaux de la rue Ballu, légué pour cet usage par Émile Blémont depuis le premier quart du XXe siècle : c’est-à-dire bien avant que n'y fut la SACD, bien avant que ne soit créée Passage Molière la Maison de la Poésie … Elle détient, selon moi, d’une sorte de « droit d’aînesse » incontestable dont la SACD n’a probablement pas eu conscience : pas plus la Justice de notre pays. Malgré ce droit, elle ne dispose, ce qui paraît la disqualifier aux yeux de ceux qui l’ont condamnée, que de moyens pécuniaires fort réduits… tandis que la SACD a, personne n’en doute, tout ce qu'il lui faut et peut-être encore davantage.

Cependant, cette Maison de Poésie organise une véritable et utile action dans son domaine sans jamais chercher à empiéter sur le terrain d'autrui, ce qui ne me semble pas être ici le cas de son puissant adversaire. Enfin et peut-être surtout, le patrimoine livresque dont elle a la charge est des plus importants : trente mille ouvrages qui constituent un véritable panorama de la création poétique depuis le XIXe siècle jusqu’à nos jours ! Des raretés y figurent, dont des livres, c’est-à-dire des œuvres qui ne se consultent nulle part ailleurs : certains portent des dédicaces de Verlaine, Hugo, Heredia etc.. Tableaux, gravures, bustes, sculptures, masques mortuaires, documents divers forment l’autre visage de ce trésor conservé par la Fondation : va-t-on assister à une dispersion qui serait une catastrophe ? Va-t-on disqualifier le dévouement qui fut celui des nombreux adhérents ayant participé à l’animation de ce lieu ? Qui ont aidé à la conservation de ses richesses léguées par Émile Blémont et installées dans cette Maison de la rue Ballu qui devint Fondation déclarée d’utilité publique en 1928 ?

N'est pas convenable, le mot est faible, cette mise à la porte qui ressemble à une mise à mort délibérée ! Elle n'eut été acceptable, dans l'esprit de justice qui devrait régner au moins dans un tel domaine, que si la SACD avait purement et simplement relogé cet ensemble – qui appartient à la Nation par l’intermédiaire de la Fondation –, dans un local approprié et donc correspondant aux facilités de cette vieille institution parisienne telles que celles dont elle dispose encore pour seulement quelques jours.

Il revient à tous ceux qui l’apprécient, qui n’acceptent pas que l’on puisse agir à son encontre pour de singulières raisons de simples commodités immobilières et/ou financières – elles auraient parfaitement pu se régler autrement – d’en appeler au Ministère de la Culture afin que l'État, qui a laissé faire la SACD, vienne au secours du « bien culturel » inaliénable que représente ce lieu de liberté pour nombre d'écrivains et de poètes. Existe sûrement dans la capitale un Hôtel ancien non encore acheté par un riche nabab oriental (ou d’outre-Atlantique) qui serait un havre, un refuge adapté à cette vieille princesse, irremplaçable bien plus que certaines des initiatives contemporaines.
Il est possible, mais non certain, que l’expression poétique soit considérée comme un élément des plus mineurs de notre culture par les « autorités » qui nous gouvernent : ce serait mal saisir à quel point, quoique devenue une résistante de catacombes, la Poésie imprègne en vérité toute la vie culturelle. Là où elle est absente, là règnent la médiocrité et l’insignifiance. C’est pourquoi il m’est impossible, personnellement, quoique non impliqué dans la direction comme dans l’action de la Maison de Poésie, de ne pas lui apporter mon soutien, même si celui-ci n’est que d’un poète français mineur, réfugié dans la marge laissés aux « inaudibles » ou aux « insupportables ».