Extradition de Mario Alfredo Sandoval poursuivi pour crimes contre l'humanité

Grâce à la lutte des militants et organismes des droits de l'homme et à la mobilisation de la population, l’Argentine a effectué un processus remarquable de mémoire et de justice à l’égard des responsables de la dictature.

Mario Sandoval a été extradé ce dimanche 15 décembre 2019 sous escorte par le vol direct d'Air France Paris Buenos Aires. Il sera jugé en Argentine.

Son ultime recours contre son extradition, cette fois devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a à son tour été rejeté vendredi 13 décembre.

Mario Sandoval, âgé de 66 ans (au moment des crimes qui lui sont reprochées en 1976, il n'avait que 23 ans)  a été arrêté ce mercredi 11 décembre 2019 à son domicile de Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne) par les gendarmes de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, épaulés par le GIGN. « Désormais, l’extradition de Mario Sandoval vers l’Argentine est définitive et interviendra dans un délai maximum de sept jours », a indiqué la gendarmerie nationale dans le communiqué annonçant l’arrestation. 

 

Le 23 Mai 2019 à Nantes le Conseil constitutionnel a rendu son avis : "Il a considéré qu’on ne demande pas à Mario Sandoval d’apporter « une preuve impossible à rapporter » que le corps du disparu n’a pas été retrouvé. « Contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte pas de ces dispositions une impossibilité pour une personne poursuivie pour une « infraction continue » de démontrer que cette infraction a pris fin, le juge pénal appréciant souverainement les éléments qui lui sont soumis afin de déterminer la date à laquelle l’infraction a cessé ».

Le décret d’extradition de Mario Sandoval vers l’Argentine a été signé le 21 août 2018 par le premier ministre Édouard Philippe et contresigné par la ministre de la Justice Nicole Belloubet

Les dictatures et en particulier celle qui a sévi en Argentine de 1976 à 1983 a utilisé massivement (30.000 disparus) les disparitions forcées pour les militants syndicalistes et politiques. Une Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées a créé le concept de "crime continu" pour éviter la prescription des crimes et pouvoir juger les crimes pour lèse humanité. Le refus du Conseil Constitutionnel de reconnaître les "crimes continus" équivaudrait à instaurer une amnistie générale des crimes d’état perpétrés par l’une des plus sanglantes dictatures du Cône Sud.

Suite au recours de Mario Sandoval,  LA CHAMBRE CRIMINELLE DE LA COUR DE CASSATION a confirmé la décision de la cour d'appel de Versailles le 24 mai 2018. 

L'avocat général à l'audience du 11 avril 2018 de la chambre criminelle de la cour de cassation  a plaidé pour confirmer l'extradition de Mario Sandoval en considérant que la disparition d'Hernan Abriata devait toujours être considérée comme un crime continu et que le retour à la démocratie en Argentine ne pouvait en aucun cas être considéré comme une interruption de sa disparition. Par ailleurs la qualification de crime contre l'humanité pouvait s'appliquer même si l'Argentine ne l'avait pas encore intégré à son code pénal au moment des faits en 1976. On ne peut attendre d'une dictature militaire qu'elle reconnaisse la notion de crime contre l'humanité. C'est une qualification internationale. Il n'y a donc, selon l'avocat général aucune prescription pouvant s'appliquer au cas invoqué par l'Argentine pour réclamer l'extradition  de Mario Sandoval.


Le 19 Octobre 2017,
la Chambre d’instruction de la cour d’appel de Versailles a donné un nouvel avis favorable à l'extradition vers l'Argentine de Mario Sandoval.

 

La décision d'extradition prise par la cour d'appel de Paris a été annulée par le Tribunal de Cassation de Paris le 2 juin 2015. La procédure judiciaire pouvant conduire à son extradition a été relancée au Tribunal de Versailles.  La mobilisation doit continuer pour que la justice soit rendue. L’avocate Sophie Thonon qui représente le gouvernement argentin dans cette affaire d’extradition a estimé « la chance que nous avons, et qui n’est pas courante en matière d’extradition, c’est que la décision a été cassée, mais avec renvoi devant la cour d’appel de Versailles. »

Louis Joinet ancien Président du Syndicat de la Magistrature a écrit une Tribune dans Libération du 18 février 2015 pour rappeler que le Tribunal français ne doit pas remettre en cause le caractère continu du crime de disparition français comme l’a fait l’Avocat général de la cour de Cassation de Paris. « Ce serait aller à l’encontre de l’évolution générale du droit international et par intégrisme légaliste à priver les proches des disparus – qui sont aussi des victimes – du droit de savoir et du droit à la justice consacrés par la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Hernan Abriata qui a été enlevé, torturé et reste disparu à ce jour pour sa mère, sa famille et tous les militants des droits de l’homme serait en cas d’arrêt de la cour de cassation annulant l’avis favorable d’extradition déclaré par la justice française comme réapparu fictivement à l’arrivée de la démocratie.

La justice française ferait marche arrière en renonçant à reconnaître le crime le plus odieux, la disparition forcée initiée dans les année soixante dix par les dictatures et en particulier celle de 1976 de Videla en Argentine pour échapper aux campagnes internationales comme celle qu’avait connue la dictature de Pinochet avec ses milliers d’assassinats "immédiats" et ses cadavres identifiés.

voir article de Calpa http://calpa-paris.org/spip.php?article483

Le Conseil Constitutionnel a traité la QPC présentée par Sandoval, en séance publique mardi 4 novembre 2014  et a rendu publique sa décision le vendredi 14 novembre 2014 : Le code de procédure pénal français est conforme à la constitution en prévoyant l’extradition des citoyens non français à l’époque où ils ont commis leurs crimes. 

 

Le 28 Mai 2014, la Chambre d'Instruction du Tribunal de Paris a rendu un avis positif sur la demande d'extradition de Mario Sandoval transmise par le juge argentin Sergio Torres qui enquête sur les disparitions de personnes détenues à l’ESMA (Ecole de Mécanique de l’Armée) pendant la dictature de 1976 à 1983.

Mais elle a limité cet avis au seul cas du rapt le 30 octobre 1976 d’Hernan Abriata, un étudiant en architecture disparu et dont le corps n’a jamais été retrouvé. (il n’y avait donc pas prescription pour que soit jugé ce cas)

Témoignage vidéo de Rosa Gertrudis Cantarini, la mère de Hernán Abriata

 

Le Tribunal a considéré que les centaines de cas de tortures et de disparitions pour lesquels Mario Sandoval a été mis en cause en Argentine dans le mégaprocès de la ESMA (l’Ecole Mecanique de la Marine) ne pouvaient pas être retenus. La qualification de crimes contre l’humanité n’ayant été intégrée au code pénal français qu’en 1994 très tardivement (guerre d’Algérie oblige), après la date des faits reprochés à Mario Sandoval.

Il s’est pourvu lundi 2 juin en cassation contre l’avis favorable à son extradition rendu le 28 mai par la justice française.

La pression doit continuer à se maintenir pour que la procédure aboutisse. En cas de confirmation de l’avis en cassation, le premier Ministre devra au plus vite signer le décret d’extradition. Ensuite Mario Sandoval pourra exercer un recours au Conseil d’Etat pour contester la décision.

 Le juge Torres mène une instruction mettant en cause Mario Sandoval, officier de police à la « Coordination fédérale » ESMA, l’un des pires centres de détention et de torture pendant la dictature de 1976. De nombreux témoignages de la famille de Hernan Abriata dans le rapport officiel de la CONADEP et de survivants de l’ESMA ont permis au juge Torres de poursuivre Mario Sandoval pour crimes contre l’humanité dans plus de 400 cas de disparitions dont celles des sœurs françaises Alicia Domont et Leonie Duquet.

 

 

Considérant que Mario Sandoval, officier de la police politique de Buenos Aires, a participé à des cours de lutte antisubversive, nous ne pouvons que nous indigner qu’il ait ensuite enseigné dans différentes universités françaises, telles que l’Université  de Paris III, de Marne la Vallée et l’Institut Catholique et qu’il soit devenu conseiller et expert du renseignements.

 

 

Nous citoyens français, associations des droits de l’homme, partis politiques et organisations syndicales, nous demandons fermement à la justice française de tout faire pour ordonner l’extradition de Mario Sandoval et permettre à la justice argentine d’exercer ses droits et de le juger pour crimes contre l’humanité, comme le réclame ardemment de nombreuses associations argentines et des personnalités comme le Prix Nobel de la Paix Adolfo Perez Esquivel.

 

 

Voir la Tribune des philosophes Miguel Benasayag, Jean-Pierre Faye, Olivier Mongin et Bernard Stiegler, et de l'éditeur François Gèze sur Mediapart :

 

plus d'informations sur :

http://www.calpa-paris.org Comité de Soutien aux Luttes du Peuple Argentin (CALPA)

 

 


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